Souvenirs de Prison

IconLes coulisses d'une prison congolaise

Les visites au CPRK

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Les prisonniers du Centre Pénitencier et de Rééducation de Kinshasa (ex-Makala) ne sont pas du tout isolés du reste du monde comme à Guantanamo. Des visites sont organisées régulièrement pour leur permettre de rester en contact avec la famille et les amis.

Chaque mercredi, vendredi et dimanche, de 10h00’ à 15h00’, les portes de la prison sont ouvertes à quiconque voudrait voir un ami ou un parent, ou simplement faire le tour des lieux. Etant donné que chaque pavillon (sauf le 9 où logent les femmes) est doté d’une cour de recréation, c’est là que les détenus y reçoivent leurs visiteurs. Pour les nouveaux détenus, à qui l’on ne permet pas de quitter le pavillon avant 45 jours (ils disent toujours ça), les visites ont lieu dans une salle qui sert de douche entre 16h00’ et 07h00’.

La nuit qui précède la visite, entre 22h00’ et 02h00’, les gouverneurs des pavillons (prisonnier eux-mêmes) organisent de séance nettoyage complet des bâtiments sous leur gouverne. Les prisonniers nouveaux venus (appelés « hébergés ») sont mis à contribution pour accomplir la tâche. Avec de l’eau, du savon et du détergent, ils passent la nuit à frotter sur chaque coin du pavillon pour le rendre chic et présentable à ceux qui viennent de l’extérieur. Tout le travail se fait sous le contrôle du commandant PM (Police Militaire ?), prisonnier lui-même, avec ses acolytes.

Lors de la visite, ceux qui viennent de l’extérieur sont dotés d’un jeton qu’ils n’ont pas le droit de perdre sous peine d’être inculpé pour évasion de détenu si l’un des prisonniers parvenait à s’évader le jour même avec ce jeton. Là bas, un slogan dit aux femmes « Perds ton fils mais ne perd pas ton jeton ».

Souvent les visiteurs apportent aux détenus des provisions en nourritures, pour qu’ils ne se contentent pas du maigre repas (Vungulé) offert par la prison, des vêtements et autres . Ceux qui n’ont pas de famille se postent dans le couloir pour quémander un petit billet ou pain à ceux qui viennent de l’extérieur.

 
 

Une prison surveillée par les prisonniers



05h00’ du matin à Makala. Les animaux domestiques (comme sauvages) n’étant pas comptés parmi la population carcérale, n’espérait pas entendre le chant du coq (Cocoricooooo !) pour quitter votre lit (si vous en avez un). Vous entendrez plutôt le bruit du chant de parade des PM (Police militaire ? ).

Les PM sont des prisonniers sélectionnés pour assurer la sécurité du bâtiment dans lequel ils sont hébergés. Ils sont postés à la porte du pavillon, aux portes des chambres et veillent sur les entrées comme les sorties. Ceci fait qu’ils peuvent vous interdire d’accéder au pavillon (si vous venez d’un autre pavillon) ou ne pas vous autoriser à quitter votre chambre (ou votre pavillon).

Dans la plupart des cas, les PM sont des jeunes (entre 15 et 25 ans) qui vivaient du vol et de la rapine dans les rues de la capitale. On les appelles ici Chegué, entendez « enfants de la rue ». Nombreux se sont retrouvés dans la rue parce que les parents n’étaient plus en mesure de les nourrir et de les vêtir. Pour d’autres encore, ils ont été carrément chassé du toit parental parce que soupçonné d’être sorcier (souvent dénoncé par un Pasteur ou un charlatan).

Bien qu’il soit vrai que beaucoup ont mérité d’être là, ayant été pris entrain de commettre une infraction, il est aussi vrai que certains n’y sont qu’à cause d’une mauvaise humeur de ceux qui nous gouvernent. En effet, il arrive de fois où le gouvernorat organise des descentes de Police pour ramasser tout ce qui ressemblerait à un Chegué. Gare à vous si vous (homme) étiez sorti un peu sale, les habits froissés et les cheveux tressés : vous êtes bon pour la fourrière.

Le CPRK est aussi doté des PM qui veillent sur la circulation et la sécurité au sein de la prison (à part ceux commis à chaque pavillon), les policiers et militaires n’étant présent qu’à l’extérieur des murs et non dans la partie occupée par les prisonniers. A ce que l’on raconte, cet état de chose demeure depuis que  des prisonniers s’étaient emparé des armes des policiers commis à la garde du pavillon et avaient tenté une évasion. Il paraît qu’il y aurait eu beaucoup des morts à l’occasion et quelques prisonniers qui étaient parvenus à s’enfuir.

Les commandants PM (second du Vice-gouverneur chargé de la Sécurité) de chaque pavillon se rencontrent à la Parade générale organisée par le Commandant Général, où ils font l’état de lieux de la sécurité dans le pénitencier. Cette parade a lieu a terrain de foot de la Prison.


Les jours de visites, sont joint aux PM les « Capitas d’hébergements » de chaque pavillon (chefs des chambres où sont logés les nouveaux détenus avant d’être transférés dans des chambres plus commodes). Postés dans la partie entre les bureaux administratifs et les blocs des pavillons, leur tâche est de veiller à ce qu’aucun nouveaux détenus ne parviennent à s’évader en se faisant passer pour un visiteur.

 
 

De la drogue en prison

Au cours de mon séjour à Makala, j’avais été fasciné par l’ampleur de la consommation des stupéfiants. Il existe même un service anti drogues composé des prisonniers. Ils ont pour tâche d’appréhender tous ceux qui seront trouvés en possession d’herbes suspectes et autres comprimés non autorisées (valium, etc.).
 

 
La drogue circulait (ou circule encore) plus les jours qui suivent la paie des militaire, Makala étant un lieu où civils et militaires sont emprisonné dans les mêmes pavillons. Ceux des soldats qui n’étaient pas encore condamnés, avaient encore droit à leur solde, qui ne dépassait pas les 15 $ par mois (même à l’extérieur, c’est ce qu’ils reçoivent en général. Dans ces conditions, pas difficile de comprendre pourquoi ils sont en prison et pourquoi il y a insécurité dehors). Dès qu’ils avaient quelques sous en poche, ils s’arrangeaient avec les soldats qui gardent la prison pour faire entrer de quoi endormir même un éléphant si cela était possible. Ceci fait qu’à chaque période de paie des soldats, le service anti drogue était aux alertes. Les récalcitrants étaient juste mis en cellule pendant quelques jours. Aucune poursuite judiciaire, aucun pv qui n’aille entre les mains de la justice (comment prendre en considération un PV écrit par un prisonnier ?).


J’avais aussi été surpris de constater que même certaines femmes (jeunes filles) amenaient à leurs époux (don juan) des comprimés de valium et des liqueurs fortes qu’elles cachaient dans des sachets plein de farine de manioc ou de maïs (provision qu’elles apportaient aux prisonniers, histoire de ne pas se contenter du vungule servi par le pénitencier). Un jeune fille avec qui je discutais de la question dernièrement, m’avait avouer qu’elle aussi ferait de même pour son amoureux (s’il était emprisonné bien-sûr), histoire de l’aider à ne pas trop se faire de remords (s’échapper de la réalité).

Et si vous étiez en prison, souhaiteriez-vous prendre des substances pour vous ennivrer ?

 
 

Moribonds ? la faute au vungulé

A la Prison de Makala, il était très fréquent de rencontrer des moribonds, je dis il était parce que ça fait un bon bout temps que je n'y suis pas passé (mais quand on voit l'allure à laquelle progresse la situation du pays, il n'y a pas trop à espérer).

Pourquoi ces gens sont-ils devenus aussi squelletiques ? Souci ? Non ! pas pour tous, peut-être même pour aucun.


Mauvaise alimentation ? Oui, c'est ça. Comment garder la forme quand on est servi 1 gobelet de 30 cl contenant un mélange des haricots et de maïs (le tout en grain s'il vous plaît) et cela une fois par jour (entre 11h00' et 15h00') ? Et le parfum du repas ? Cela s'apparente à l'odeur nauséabonde qui se dégage lorsque quelqu'un transpirant un peu trop des pieds vient de se déchausser. Beuuuurrrrkkk ! Même au geôles de l'ANR (les services secrets) on était mieux servi (un plat de haricot et de riz si ce n'est pas du Foufou (pâte des manioc) avec du poissons).


Toutefois, ce repas a un nom original, VUNGULE (prononcez "Vungulé"). Si vous ne souffrez d'aucune allergies au haricots et au maïs préparé à l'huile de palme sans autre ingrédient) et pouvait tenter l'expérience avec des nouveaux plats, passez faire un tour à la Prison, n'importe quel prisonnier pourra échanger son repas du jour contre un baguette de pain frais venant de l'extérieur.


Ne dite surtout pas à votre médecin que c'est moi qui vous ai recommandé ce repas quand il faudra vous faire une opération de l'estomac.

 
 

Prison de makala : le tour des lieux

Voilà, j'écris pour la première fois sur ce blog que je vais particulièrement dédier à la prison de Makala, pour vous y raconter ce qu'on peut y vivre, ayant moi même passé plus d'une année dans ce cadre.

Pour commencer, je vous invite à lire ce Panorama de la prison de Makala - "CPRK", tiré du site Sauvons le congo, afin de vous faire une idée générale sur les lieux.
LES femmes perverties par les services sexuels, des hommes squelettiques au visage d'ascète qui quémandent piteusement une miche de pain, des redoutables brigands d'alors, devenus inaptes, car diminués par le poids de la famine et de maladies infectieuses, des cadavres nauséabonds... c'est en bref le menu quotidien qu'offre la prison centrale de Makala, située en plein coeur de Kinshasa en RDC. 

C'est un agglomérat de bâtisses qui n'attendent qu'une brise pour s'écrouler et anéantir des prisonniers moribonds. En avant-plan, le pavillon d'administration qui a perdu un bon nombre de ses tôles et dont la toiture inonde les bureaux à la moindre pluie. Puis on traverse la cour au fond de laquelle est érigée une cuisine de fortune où s'affairent détenus, agents pénitentiaires et gendarmes, subtilisant effrontément des miettes de dons pour échapper à la disette.

Devant le visiteur, deux couloirs se présentent. S'il emprunte uniquement le premier, il gardera une bonne impression de Makala. Car, au bout, il y a le pavillon VIII, la "capitale" des détenus qui avaient occupé jadis de hautes fonctions dans les structures de l'Etat. Du reste, la plupart d'entre eux ont été condamnés pour détournement des derniers publics. Presque tous ont bonne mine, belle prestance, le moral haut. Ceci ne peut nullement étonner dans la mesure où ils passent librement le plus clair de leur temps à l'extérieur de la prison.
 
Mais cette apparence de suffisance masque maladroitement les réalités de Makala. Car, en parcourant le deuxième corridor, considéré comme l'allée funéraire, une odeur de viande boucanée pourrie vous accueille ; on découvre alors des horreurs.

D'abord, le fameux pavillon X, réservé aux malades, où gisent des êtres humains transformés en loques vivantes. Allongés comme des bois morts sur des nattes usées par des urines mélangées aux excréments diarrhéiques sanguinolents, ils attendent une mort lente, mais sûre et atroce. Personne ne sait exactement de quoi ils souffrent. Visite des médecins interdite. Donc, personne n'a vraiment intérêt à les toucher, sauf naturellement les religieuses catholiques munies des longs gants oeuvrant charitablement au pénitencier. Ces malades du pavillon X, ou plutôt des cadavres en sursis, interrogent leurs rares visiteurs sur la valeur de la vie à Makala. Chaque semaine, nous confie le guide, cinq à dix corps attendent d'être transférés aux ateliers logés dans les dépendances, et qui font souvent office de morgue.

Le pavillon V, un autre univers où croupit une promiscuité humaine. Des crachats traînent çà et là, cultivant microbes, bacilles et autres virus. Chaque main, plus de cinquante personnes attendent de se soulager devant un trou sans évacuation qui servait d'installation hygiénique. Il fait horriblement chaud dans cette geôle bétonnée, car des femmes, des jeunes filles et des hommes dont la plupart étaient des voleurs à main armée sont ensemble, tous à moitié nus. Au centre du petit cercle, le "gouverneur", c'est-à-dire le fût débordant d'excréments. Les matières fécales s'entassent jusqu'à ce que de nouveaux venus les eussent enlevées.

Cruelle alternative

Notre guide, âgé de 35 ans, ancien prisonnier pour délit de viol témoigne : "Au début, je considérais que tout cela tenait d'une abomination. Mais au fur et à mesure que le temps passait, rien ne me parut plus insolite. Le "gouverneur-fût", les assassins et autres malfaiteurs, les prostituées et les dames incarcérées constituèrent mon univers normal, jusqu'au moment où les soldats commis à la garde consentirent à me sortir de cet enfer. Alors, je pus réaliser combien leur propre vie était démoniaque. Chaque soir, ils s'amourachaient avec les femmes du pavillon, mariées ou célibataires".

Ce n'était pas, à proprement parler, un viol en règle. Mais les femmes étaient placées devant une cruelle alternative : rejeter l'offre des soldats, avec le risque de passer la nuit en compagnie de brigands sexuellement insatiables ; ou accepter de sortir de la geôle infecte, avec l'avantage d'humeur l'air frais et de prendre une bonne douche. 

Une journée à la prison centrale de Makala a plus de chance de débuter au "purgatoire" du IX (pavillon des femmes), communément appelé "salle d'urgence", si le nouveau venu n'est pas assez "vacciné" pour résister à l'infernale tentation du charme des femmes détenues. Après avoir été initiées à la débauche pendant la garde à vue, ce sont de véritables diables, impudiques et proxénètes, qui sont logées au IX. Ce qui justifie des accouplements en chaîne dès la tombée de la nuit, dans la cour qui jouxte ce pavillon, lui-même quelque fois transformé en maison de tolérance. Mais il est vrai qu'une autre motivation, la famine qui sévit au pénitencier, est venue se rajouter à la nymphomanie et à la libido déjà très excitées à cause des abus sexuels pendant la garde à vue. Ceci explique que la même femme puisse satisfaire une dizaine d'hommes au cours d'une soirée, pour quelques cacahuètes.

Car les agents commis à la surveillance représentent un maillon très important dans la chaîne d'introduction de la nourriture apportée par les familles des détenus. Ils y consomment en série à tel point que le prisonnier ne trouve plus sa part. A cela s'ajoutent les frais de "douane". Ils s'élèvent à 600 FC avant de traverser la grille principale de cette officine pénitentiaire.

Toxicomanie et sodomie

Si la journée d'un adulte peut commencer au IX, celle d'un mineur se termine souvent par une scène de sodomie. Encore un fléau qui ravage la prison de Makala et dont les conséquences néfastes sont autant nombreuses que celles des contacts hétérosexuels. Les sodomites sont pour la plupart des détenus condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement ou souvent à perpétuité. Ce sont des assassins, des voleurs à main armée et des caïds de la pègre Kinoise qui entretiennent cette pratique. Après avoir passé la moitié de leurs peines dans le plus grand isolement, sans contact avec le sexe faible, ils ont dû adopter ce palliatif. Leurs victimes font payer le service en échange d'une boule de "fufu" et de quelques arêtes de poisson. Eux en ont à revendre, car ils se livrent à toutes sortes de trafic dont le plus lucratif est celui du chanvre.

Cette activité alimente donc la toxicomanie au pénitencier. La quasi-totalité de la population carcérale étant constituée de voyous, on peut aisément deviner les dimensions de ce sinistre. C'est alors que Makala apparaît comme un monde à l'espoir constamment en évasion. 

Une journée à Makala est aussi une rencontre avec les injustices de la justice. Les plus flagrantes sont les dossiers en suspens. "Les trois quarts des détenus sont des prévenus non condamnés et presque tous ont consommé le délai de validité de la détention du Ministère Public. Celle-ci, dont la durée légale est fixée à cinq jours, est souvent allongée à six, douze ou même vingt-quatre mois sans que personne n'y trouve à redire", nous a confié un gardien du pénitencier. Dans ce cas, les victimes sont en détention arbitraire, le Ministère Public ne disposant plus de mandat requis pour les loger au pénitencier.